En 2011, quand j’étais encore cadre sup’ et que j’avais encore les moyens, je décide de passer un week-end à Hambourg pour rendre visite à une amie d’enfance expatriée. Au-delà du fait que j’ai passé d’excellents moments à découvrir cette ville étonnante et débordante d’énergie, j’ai également vécu une expérience interculturelle quelque peu… marquante !
Étant toutes les deux des very busy working girls, nous décidons de nous offrir une expérience des plus agréables : une demie-journée au spa. Hop hop hop ! Quelques clics sur les Internets et nous choisissons un spa luxueux à quelques coins de rue et nous réservons die massage zen-thaï-ayurvédico-hawaïen qui fait trop du bien au corps, à l’esprit, à la cervelle, aux doigts de pied, au nombril et à tout le dedans de soi-même.
Ni une ni deux, trop motivée et trop contente, je prépare mon sac : serviettes de bain, tongs, maillot de bain, déo, crème, shampoing, parfum, maquillage, peigne… apriori tout y est. Rien qu’à l’idée de renouer avec ces petits plaisirs je me sens déjà plus légère ! Je sifflote, souriante, et je me dis intérieurement : décidément, qu’est-ce que je suis chanceuse.
C’était sans compter sur le double effet Kiss Cool en mode coucou tout le monde, méga-surprise, quand une fois arrivée dans les vestiaires, je commence à observer avec circonspection que mes consœurs à chromosomes XX entrent, sortent, reviennent puis ressortent des vestiaires… en tenue d’Ève ! Mon cerveau commence alors à fumer sévère à base de théories loufoques. Y aurait-il un sas à l’extérieur des vestiaires où sont distribués des maillots de bain écolos en papier mâché recyclé pour sauver la planète ? Ou encore : doit-on passer à la douche désinfectante anti-nucléaire avant d’enfiler son maillot de bain ?
Face à mon regard de hareng mort, mon amie me lance un regard étonné et compatissant accompagné d’un sourire narquois : woouups : c’est ta première fois ? Là mon cerveau démarre à la vitesse de Lewis Hamilton sur un circuit de F1 m’imaginant déjà dans une chambre obscure attachée au plafond en train de me faire fouetter par un inconnu (oui je sais, j’ai une imagination légèrement extrémiste et débordante). Je déblatère, non sans difficulté, un vague : ma… première… fois… hein… euh… wait… what… ? Et là le verdict tombe sans appel : ici tout le monde est nu au spa.
Sehr schöööööööön… Je viens donc de payer 200 € pour passer mon précieux (et rare) jour de repos au club des naturistes germanophones enthousiastes. J’ai cru que je vivais mon pire cauchemar. Rapide comme un lynx, je me ressaisis : ok cocotte tu as le choix, opter pour la lâcheté et fuir en courant jusqu’au Danemark toute habillée, ou bien oser cette expérience nouvelle que la vie te propose si « généreusement » mais nue comme un ver… *Petite musique d’ascenseur* Vous me connaissez suffisamment pour imaginer que je ne pouvais pas résister à l’appel de l’expérience, de la nouveauté, de l’aventure, le tout sur un lieu anthropologique où j’allais pouvoir observer des autochtones dans leur habitat au naturel. Littéralement.
Fallait juste se mettre à poil. Une paille. Non mais sans blague, c’est quand même insolite comme situation quand on n’est pas habituée et qu’on ne l’a pas cherchée ! Et là, je me suis demandée ce qui allait être le plus gênant : savoir que des inconnus allaient me voir aller de bassins en bassins sans-aucun-bout-de-tissu-sur-mon-corps (je ne sais pas pour vous, mais moi d’habitude, je réserve cet état d’être essentiel à mon partenaire ou à mon miroir), ou bien la peur de ne pas résister à scruter les autres (hommes et femmes confondus) à cause de ce satané mélange de curiosité et de voyeurisme qui se cache (parfois bien tapis, certes) en chacun de nous.
Je te vois hocher de la tête et faire la moue : tout le monde, sauf moi. Mais si, si, je t’assure. Tu sais, c’est cela même qui te fait ralentir en voiture quand tu passes à côté d’un accident de la route, alors que tu sais pertinemment qu’apercevoir un bras coupé ou une chaussure ensanglantée va te traumatiser à vie. J’en étais au même point : j’avais instinctivement envie d’aller voir, quitte à être traumatisée à vie par la vue trop nombreuse de tant de corps, de peaux acnéiques, de seins plus gros que les miens, de sexes poilus et autres fesses molles. En fait, j’avais surtout peur de rougir et donc d’être prise en flagrant délit de lubricité. Oops.
Prenant mon courage à 12 mains, j’abandonne mon maillot de bain au vestiaire – la larme à l’œil – et j’enfile mes tongs, dernier vestige d’un accessoire couvrant… ma voute plantaire, en l’occurrence. Wunderbar… Je sors les yeux baissés et en suivant les tongs de mon amie jusqu’à la salle de massage. Ouf, me voilà enfin enfermée et seule. Cette pause salvatrice et bénéfique me permet de rassembler tout mon courage et de tenter vainement de relativiser : après tout, tout le monde est nu, donc tout va bien, tout va bien, tout va bien… Méthode Coué quand tu nous tiens…
Une fois le massage terminé, l’heure fatidique était venue de traverser le spa dans toute sa longueur pour accéder aux bassins et aux saunas. Le couloir de 80 mètres de long en verre transparent passant au-dessus de la piscine ainsi que l’escalier central de 80 marches n’ont évidemment pas aidé à ma détente. Mais bon, j’ai fini par atterrir (traduire : marcher très vite et m’enfouir rapidement) dans un bain bouillonnant, mes tongs et ma serviette posées au loin… si loin… *soupir*
Parfaitement à l’aise une fois les parties intimes de mon corps bien au chaud mais surtout bien cachées par les bulles, mon observation commence. Je suis frappée par la non-gêne ambiante, dans le bon comme dans le mauvais sens. D’un coté, c’est super agréable de voir le corps démystifié et désacralisé. Je me dis que culturellement, on a toutes et tous un rapport au corps différent, et qu’en fonction de ce rapport, on doit vivre plus ou moins facilement certaines expériences de vie. D’un autre côté (et j’assiste aux même scènes dans les vestiaires du YMCA d’ailleurs…), c’est moyennement agréable de voir étalé devant soi l’entièreté majestueuse d’inconnus personnages. Si j’avais voulu tout savoir sur l’anatomie humaine, j’aurais fait médecine. J’ai encore (malheureusement) en tête l’image de ce monsieur assis sur le rebord du bain bouillonnant, très à l’aise les jambes écartées face à mes yeux écarquillés, cherchant désespérément une issue de secours ou un flingue.
Dans cet étalage naturel d’attributs corporels, j’aperçois en vrac : des tatouages petits et grands (mince, moi qui ai fait le mien de manière à ce qu’il ne se voit pas, même en maillot de bain… c’est loupé !), des piercings plus ou moins surprenants, des peaux vieilles ou jeunes, des muscles saillants ou invisibles, des grands et des petits, des minces et des gros, des cheveux blonds, bruns, roux, blancs. Au moins, c’est un beau rappel à la diversité humaine et à l’acceptation des différences. À ce point-là, je réalise qu’ici le rapport au corps a l’air inexistant ou non problématique, donc forcément : ça fait du bien. Mais là, les gens ne se regardent pas, ils ne font d’ailleurs même pas attention les uns aux autres. C’est presque froid en fait. Et soudain je réalise que je dois être la seule latine folle obsédée à avoir des pensée orientées et déformées et qui se demande intérieurement si cela modifie les rencontres dans les bars, la séduction, le rapport à l’autre, le rapport au sexe, le contenu des préliminaires, l’effeuillage… Oops, I did it again ! comme dirait ma pote It’s Britney Bitch.
Quoi qu’il en soit, bon an, mal an, j’ai survécu à cette journée, et j’ai moi aussi déambulé dans mon plus simple appareil, allant de la piscine aux chaises longues extérieures, en passant par les saunas. Et c’est vrai que la liberté ressentie à errer nue a été sans commune mesure, d’autant plus qu’il s’agit d’un espace privilégié et sécurisé pour pouvoir se sentir à l’aise et comme tout le monde. Mais j’ai quand même réalisé à ce moment-là à quel point je préfère l’érotisme d’un corps qui se montre à peine et se dévoile petit à petit, Vs. une version plus crue en mode : « coucou, t’as vu ma bit(t)e (schön) » ! Et oui : on ne se refait pas… Quoique… Tout cela me fait penser que j’ai une autre expérience toute aussi inédite et incongrue à vous raconter : la découverte du magique 281 à Montréal, ze cabaret érotique au masculin, pour les femmes, les vraies. Mais pour le moment, je garde ça au chaud pour plus tard…
Pour en revenir à l’Allemagne, autant vous dire que la soirée qui a suivi sur la Reeperbahn a été bien arrosée (bah quoi, il faut bien justifier de son alcoolisme) et que mon frühstück gargantuesque du lendemain matin était bien mérité. Trèfle de balivernes : au-delà de la méga surprise, c’était une aventure sommes toutes rafraichissante, définitivement revigorante, voire même à refaire, mais en suivant ce précieux conseil d’Orangina : « bon c’est bien les enfants, mais on la refait là, moins crispés » !
Et vous : déjà vécu une expérience de ce genre, à la fois surprenante et drôle ?!
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Je ne vais pas me remettre du « bi(t)te schön » Chloé!
Ravie de t’avoir permis une expérience aussi forte et surtout un reportage aussi inspiré!!