Detox d’Infox

Nous vivons dans un monde merveilleux où nous ne sommes qu’à un clic d’un voyage dans l’espace (coucou Thomas Pesquet), d’un documentaire passionnant (coucou ARTE), ou d’une révolution citoyenne (coucou Bucarest). Les NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication) ont bouleversé nos vies quotidiennes de manière drastique, en ayant notamment transformé : les comportements humains (en ligne et hors ligne), l’acquisition de connaissances et de savoirs, les modes de rencontres (sociales, amicales, amoureuses, sportives, professionnelles, etc.), les moyens de communication, la notion de temps et d’espace, le traitement de l’actualité, etc. Aurions-nous gagné un accès universel et intemporel à… toute l’information du monde ?!

Ne vous méprenez pas, je ne suis pas une réac’ de comptoir qui va vous annoncer que « la vie, c’était mieux avant Internet ! » entre deux demis-pêche. J’ai plutôt envie
de partager quelques observations personnelles, pour aller de l’avant de manière positive. Donc, toute cette émulsion mayo-internautique s’est faite de manière extraordinaire et enthousiasmante, mais aussi folle et démesurée à mon goût. La vitesse exponentielle avec laquelle nos habitudes ont été modifiées (et continuent de l’être) est venu sans mode d’emploi, laissant l’avatar électronique se débrouiller seul face à… du trop-plein, du nimportnawak, de la fast-infood, le tout provoquant infobésité et autres délices 2.0.

Je ne sais pas pour vous, mais moi je me sens régulièrement débordée, voire étouffée par la quantité d’informations, de relations, de réactions qui sont partagées par et sur les réseaux sociaux. Parfois mon cerveau n’est plus capable d’ingérer, d’intégrer, de digérer puis de régurgiter quoi que se soit. J’en parlais déjà il y a un an dans Moonlight Insomniata. La recrudescence de témoignages, d’articles de blogues et d’annonces de disparitions plus ou moins temporaires d’Internet, communément appelée « Digital Detox », est un des effets secondaires de cette déferlante informationnelle et communicationnelle.

Je pourrais également parler d’autres magnifiques effets secondaires, n’étant pas sans rappeler certaines maladies mentales, comme le narcissisme selfitique, la paranoïa complotique, la narcolepsie de l’esprit critique, la schizophrénie numérique, l’addiction à l’écran, boulimie de friend requests, déclins cognitifs et autres troubles d’estime de soi et de la socialisation. Dans un monde supposément hyper-connecté, j’avoue aujourd’hui manquer cruellement de connexions, d’échanges, de chaleur et de relations humaines. Mais je reviendrai là-dessus plus tard, dans un autre article. Aujourd’hui j’ai plutôt envie de parler de l’importance de la vérification des sources et de la question de la véracité et de l’impact des informations partagées sur les réseaux sociaux.

Les gens s’offusquent et se surprennent de la victoire des faits alternatifs et la supposée stupidité « des gens ». Euh… Allô ! Nous avons toutes et tous participé, à notre niveau, à créer un Internet sur-blindé d’informations, de contre-informations, de vérités, de contre-vérités, d’actualités, de contre-actualités, de fausses rumeurs, d’approximation, de sciences, de pseudosciences, etc. Le tout dans une atmosphère joyeuse où tout un chacun se sent appartenir à quelque chose de plus grand, de fendard et de magique.

Je ne jette la pierre à personne, je m’inclus dans le lot : j’avais pour habitude de partager des informations, articles, vidéos dont je ne réalisais pas les conséquences à long terme, surtout celles d’animaux kro meugnons. J’ai toujours à cœur de respecter les droits d’auteur, les sources et d’associer les citations à leurs auteurs respectifs. J’ai toujours été perplexe par exemple de cette obstination à s’octroyer la parenté d’une blague ou d’un bon jeu de mot sur Twitter par exemple. En quoi citer la source, l’auteur original, ôte une quelconque valeur à son compte face à ses followers ? Mystère et boule de gomme.

J’ai également toujours tenté de relayer des actualités confirmées, au moins dans mes intentions. Enfin, face à des éléments surprenants, j’ai toujours fait jouer mon St-Thomas intérieur en doutant et en exerçant un certain esprit critique. C’était suffisant, pensais-je. Le temps passant, j’ai commencé à questionner 101 dalmatiens autres pratiques naturelles, logiques et certainement devenues automatiques. Je souhaite donc partager aujourd’hui certaines de mes prises de conscience, ainsi que les astuces et exercices pratiques que j’ai décidé d’employer pour me sentir en accord avec moi-même et participer à un monde meilleur, un partage à la fois, au lieu d’enfoncer l’humanité dans une réalité alternative.

Globalement, j’ai décidé de considérer mes actes de partages en ligne comme des gestes signifiants et ayant potentiellement un impact. Je souhaite donc qu’ils soient éthiques, comme la majorité des changements de vie que j’ai entamés ces dernières années. Je fais partie des personnes qui publient en moyenne 5 fois par jour, et mes publications et partages semblent plutôt éclectiques et sans fil conducteur. Pourtant, ils participent à informer d’une manière ou d’une autre sur ma philosophie et mes choix de vie, sur mes questionnements métaphysiques, sur d’autres initiatives positives, sur des idées révolutionnaires, etc. Parfois avec humour, parfois avec colère, parfois en douceur, parfois avec des lolcats, mais toujours après un questionnement et un choix conscient de partager.

Pour débuter, j’ai commencé à mettre en pratique la sagesse de nos aïeux, disons… Socrate par exemple ? Vous savez, c’est ce mec, coach avant l’heure, qui philosophait à voix haute dans la Grèce Antique, sur des petits sujets sans importance tels que l’amour ou l’éthique, répétant à qui voulait l’entendre qu’il savait qu’il ne savait rien, illustre ignorant brillant de sagesse. Socrate aurait donc donné une leçon de morale (Apologue des trois tamis) visant à inviter chacun à passer une information au travers de trois filtres avant de la diffuser. Reprenant ce même principe, je me demande désormais : est-ce bon ? est-ce vrai ? est-ce utile ? J’ai trouvé que c’était déjà une très bonne manière de commencer mon chemin de détox d’infox et de partage éthique.

Voici d’autres idées faciles à appliquer avant de cliquer sur le bouton partager :

  1. Vérifier les conditions de vie des « z’animaux trop meugnons » dans les vidéos. Qu’est-ce qu’un lémurien aimant les gratouilles fout en Russie ? Est-ce que le zoo qui montre 44 bébés pandas a une activité biologique et scientifique de sauvegarde de l’espèce ? J’invite ainsi plutôt à partager des vidéos promouvant des initiatives bénéfiques à la survie de ces espèces, plutôt qu’à les montrer en spectacle en les tuant à petit feu. Sur ce sujet, c’est le documentaire Blackfish qui m’a ouvert les yeux en 2013 de manière assez drastique.
  2. Réfléchir aux conséquences des images et des blagues véhiculant sexisme, genrisme, racisme, et toutes autres formes de discriminations visibles et invisibles. Par exemple, le mec trop drôle qui se filme en mettant des mains au cul par surprise aux femmes dans la rue, c’est TROLOLILOL ! Si vous avez à coeur de participer à créer une société réellement plus inclusive et ouverte à la diversité au sens large, alors vous savez quoi faire.
  3. Se renseigner auprès de différentes sources concernant l’origine, la réalité, le contexte, etc. d’annonces spectaculaires véhiculant de fausses rumeurs. Par exemple, quand je lis « Deux adolescents ont découvert l’Atlantide par erreur en cherchant un Pokemon Go », j’ai tendance à douter, pas vous ?
  4. Questionner les auteurs cités comme source de citations. Typiquement, le texte « Le jour où je me suis réellement aimée » est faussement attribué à Charlie Chaplin, alors qu’il a été écrit par Kim McMillen en 2001 ; et le texte « Notre peur la plus profonde » est faussement attribué à Mandela, alors qu’il a été écrit par Marianne Williamson en 1992.
  5. Arrêter de partager des chaînes à la con (sinon vous mourrirez dans les prochaines 24h) et autres annonces pseudo-légales, de l’ordre de « d’après la loi internationale 123.7 régissant ma vie privée, je déclare être le propriétaire de mon compte Facebook et interdire à toute autre entité l’utilisation de mes données sans m’en informer au préalable ». Devinez quoi : vos données sur Internet sont déjà utilisées par une kyrielle de personnes plus ou moins bien intentionnés, à commencer par Facebook. Il suffit d’aller voir dans les Conditions Générales, celles-là même que nous avons acceptées sans jamais les lire, admettons-le.

À la place, on peut essayer d’agir et de partager des informations de manière consciente et éthique, en fonction de ses propres critères. Il s’agit donc d’abord de s’interroger soi-même sur ce qui est important, essentiel et valide pour nous de diffuser et transmettre à une plus grande échelle. Pour cela, il peut être utile de :

  1. Exercer un minimum de doute et d’espit critique
  2. Questionner les sources et savoir identifier leur qualité et degré de fiabilité
  3. Recouper les informations entre plusieurs sources
  4. Prendre du recul, respirer, patienter, zénifier sa relation aux réseaux sociaux
  5. Utiliser des outils adaptés de vérification tels que le Decodex ou HoaxBuster
  6. Apprendre à analyser les photos et les vidéos comme un expert

L’erreur est humaine, il se peut toujours que l’on partage quelque chose qui s’avère faux par la suite. On n’est pas obligé non plus de devenir des ayatollahs de l’éthique en ligne, par exemple, j’aimerais ne plus me servir d’Amazon, mais je n’y arrive pas encore. Il ne s’agit donc pas de viser la perfection, mais d’amorcer ce que je considère être une quête d’excellence par rapport à soi, et donc par rapport aux autres. De mon point de vue, il s’agit d’accepter que nous avons tous une responsabilité humaine, qui se situe principalement dans nos gestes du quotidien, les plus petits, les plus insignifiants, les plus invisibles soient-ils… En apparence.

Imaginez le nombre de partages non-éthiques, promouvantet  normalisant la souffrance animale, incitant aux discriminations, banalisant la violence ordinaire, et autres merveilleux aspects de la « modernité humaine »… qui pourraient être évités si chacun d’entre nous acceptait de ralentir avant de partager une information, de réfrener ses ardeurs digitales, et d’en profiter par-là même pour s’informer ? Chacun a le droit à ses opinions, évidemment, mais tant qu’à faire, si l’on souhaite défendre une cause, un personnage, un événement, une actualité, alors autant le faire en connaissance de cause et de conséquences, et à l’aide d’éléments informatifs les plus véridiques possible. La mauvaise nouvelle, c’est que c’est une pratique potentiellement moins ludique et moins rapide. La bonne nouvelle, c’est que cela permet de développer ses connaissances, d’apprendre, et d’agir en conscience. L’autre bonne nouvelle, c’est que viser une DETOX D’INFOX, c’est bon la santé.

Le nouveau président américain n’a pas inventé ni créé les « faits alternatifs » grâce auxquels il a été élu et grâce auxquels il compte maintenant régner sur le monde les États-Unis. C’est nous tous qui y avons participé en partageant à tort et à travers des mutlitudes d’informations erronées, biaisées, mal informées, etc. Permettant ainsi l’émergence d’une faille remplie de doute et de remise en question du discours des élites. Il s’agit d’une nouvelle ère de communication à outrance, d’infobésité, d’hyper-consommation des réseaux sociaux, etc. Or, j’ai envie de mettre en avant le fait que la sobriété, la modération, la simplicité, le minimalisme, etc. passent aussi par nos comportements compulsifs de partages d’information non-éthiques en ligne. Enfin, pour rappel, parce que je l’aime bien, et aussi parce que je vise à retrouver un équilibre en ligne / hors ligne, je rajoute cette illustration. Bisous.

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